Les pies

Qui n’apprécie la présence des oiseaux dans les parcs et jardins ? Pourtant, parmi ces hôtes familiers, tous ne sont pas accueillis avec la même passion. La Pie bavarde et la Corneille noire font partie de ces mal-aimés. Rancunes ancestrales ou impressions subjectives, tout semble ternir l’image de ces oiseaux pourtant très intelligents. Cette intelligence s’est d’ailleurs peut-être révélée suite à l’intervention destructrice de l’homme. En effet, dès qu’ils s’opposèrent de près où de loin aux intérêts humains, ces oiseaux ont subi une forte persécution. Dès lors, il n’est pas surprenant que ces oiseaux aient adopté un comportement plus clandestin – question de survie – ; ce qui hélas n’a pas modifié leur réputation.

L’expansion des Pies et des Corneilles dans les zones urbaines semble alarmer la population qui s’inquiète de la survie de “leurs” petits passereaux (autrement dit les oiseaux chanteurs). Leur prédation naturelle est donc mal acceptée.

Cependant, en examinant de plus près l’écologie et le comportement de nos deux hôtes, rien ne vient confirmer ces dires. Il semble au contraire que leur mode de vie et leur formidable possibilité d’adaptation en font des hôtes indispensables.

Les deux espèces accusées sont fichées dans la famille des Corvidés qui dénombre six autres membres en Belgique : le Choucas des tours, la Corneille mantelée, le Corbeau freux, le Grand Corbeau (réintroduit il y a environ 15 ans dans notre pays), le Geai des chênes et le Casse noix moucheté.

Ces oiseaux ne sont pas trop exigeants lorsqu’ils recherchent un logement. La Corneille noire peut s’adapter à tous les milieux, exception faite de l’intérieur des forêts. Elle construit son nid le plus souvent dans l’enfourchure d’un arbre. Assez méfiante de caractère, elle préfère en général nicher à distance des habitations.

Pour la Pie, rien de tel que les espaces dégagés où sont plantés ici et là des arbres et des buissons. Son volumineux nid de branchage est installé en hauteur dans les arbres. Il est fréquent de l’observer dans le jardin puisqu’elle accepte d’y élire domicile.

La demeure n’est pas la seule chose vitale : il faut aussi trouver quelque chose à se mettre dans le bec. De nouveau, question menus, nos deux oiseaux ne sont pas difficiles : leur régime omnivore se compose à la fois de végétaux (graines et fruits) et de proies animales diverses (insectes, araignées, lombrics, mollusques, oisillons et petits mammifères).

  Notons que la proportion de victimes parmi les oiseaux (oeufs et oisillons) est tout à fait minime et qu’aucune étude actuelle ne démontre qu’il existe une influence négative sur l’équilibre des populations.

     Le régime est adapté aux conditions locales et saisonnières : il est plutôt végétarien durant l’hiver tandis que les proies animales sont surtout consommées durant l’été. De plus, il arrive que les Pies fassent quelques provisions qu’elles cachent dans le sol.

     Tout au long de l’année, Pies et Corneilles endossent fréquemment leur combinaison de charognard et s’alimentent ainsi d’une grande quantité de cadavres d’oiseaux et de mammifères, notamment victimes du trafic routier. S’étonnera-t-on, dès lors, du grand nombre d’individus qui fréquentent les abords de nos routes ?

     Au sein de la société des Pies, ce sont les mâles adultes qui font la loi. Les plus hauts placés dans la hiérarchie sont d’ailleurs ceux qui sont prêts à nidifier. Ce sont les femelles qui font leur choix parmi la troupe. Elles choisiront en général le mâle le plus “mûr” pour assurer leur descendance. Ce couple uni se promet fidélité (au moins pour un an).  Les deux parents participent à la construction du nid qui durera quarante jours. La femelle est prête à pondre dès les beaux jours d’avril. Après environ trois à quatre semaines, les oisillons éclosent successivement. Et là, commence un travail difficile pour les parents puisque ces petits doivent être nourris deux à cinq fois par heure ! C’est durant cette période, c’est-à-dire pendant environ un mois, que les Pies s’attaquent éventuellement aux autres nichées. Les espèces victimes sont en général parmi les plus communes (Moineau domestique, Merle noir, Grive musicienne, Pigeon ramier,…). Ces prédations se font surtout et c’est logique, sur les nichées les moins bien camouflées, dont les parents manquent d’expérience. Toutefois, puisque ces accidents surviennent tôt dans la saison, une deuxième ponte est possible et présentera certainement plus de succès.

     Chez les Corneilles, la société est très semblable à celle des Pies et leur prédation sur les populations d’oiseaux se fait dans les mêmes conditions.

      Si l’on observe une diminution des espèces de passereaux, rien n’est plus facile que d’en rechercher une cause visible qui se déroule dans nos jardins. La prédation naturelle et la population bien développée des Pies et des Corneilles sont deux critères qui nous conduisent  à des conclusions hâtives. En effet, de nombreux décès parmi la population de passereaux sont liés à l’utilisation abusive d’insecticides et de pesticides, à la disparition des habitats naturels, mais aussi à la tenderie, au trafic routier, sans oublier la prédation bien plus importante du chat domestique.

     La Pie et la Corneille ont un rôle important de charognard et peuvent s’avérer utiles en participant, comme d’autres oiseaux, à la lutte contre les insectes nuisibles qui peuplent nos parcs et jardins.

     C’est cette vision plus réaliste des choses qui nous donne peu de raisons de déplorer la présence de ces oiseaux intelligents dans nos jardins, mais nous pousse plutôt à admirer la souplesse d’adaptation dont ils font preuve.


boudou et gab


Ligue pour la protection des oiseaux :   https://www.lpo.fr/

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